BAÙBO – de l’art de n’être pas mort

THÉÂTRE MUSIQUE
Du vendredi 2 au samedi 10 février, du jeudi au samedi à 20h30, le dimanche à 17h le même soir Réserver

Jeanne Candel - la vie brève

Je suis je ne sais qui,
je meurs je ne sais quand,
je m'étonne d'être aussi joyeux.
*

Un harpon, le mur des jubilations, des agrafes, des femmes fuyant la musique sacrée, deux petits seins tranchés.

Des scènes où la vie déborde, non pas telle qu'elle est mais telle qu'elle jaillit dans nos mondes intérieurs, donnent toute sa saveur à ce spectacle à la fois cruel et sensuel, provocateur et tendre, librement inspiré de la figure de Baùbo, issue de la tradition orphique grecque. La rencontre de cette prêtresse avec Déméter incarne les motifs puissants du désir et de la pulsion de vie : Baùbo est celle qui dévoile son sexe et révèle par le rire l’art de n’être pas mort.

À partir de ce mythe, d’œuvres du compositeur Heinrich Schütz et d’autres matériaux, la metteure en scène Jeanne Candel et le directeur musical Pierre-Antoine Badaroux composent une « passion d’aujourd’hui » où musique et théâtre s’entrelacent comme dans un rêve.

« Ici, sous nos yeux, une femme a plongé dans une passion amoureuse jusqu’au bord de la mort. Ici elle aime, là elle meurt, ailleurs elle renaît.
La musique est une force érotique, elle fait appel à nos inconscients. Les corps des actrices et des musiciens, des acteurs et des musiciennes, composent dans le même mouvement un poème concret qui dit la puissance de la création avec des agrafes et du pain, des bandes de papier et un œuf sur la tête. On peint avec ses fesses, on anatomise l’acte fou d’aimer, on est dans les pigments d’un tableau primitif. » Jeanne Candel

Épitaphe de Martinus von Biberach, clerc allemand du XVème siècle *

Durée 1h40

≈ Samedi 3 février, à l'issue de la représentation : visite du décor du spectacle et de la ressourcerie du théâtre animée par Jean Lynch, chef de projet ressourcerie et atelier de fabrication responsable, et un membre de l'équipe artistique. Réservation obligatoire ici dans la limite des places disponibles.

≈ Dimanche 4 février à 17h : audiodescription du spectacle réalisée par Lucie Béguin pour les personnes malvoyantes ou non voyantes (visite tactile préalable proposée à 16h)

≈ Vendredi 9 février, à l'issue de la représentation : rencontre avec l'équipe artistique

Distribution / Production

D’après des œuvres de Buxtehude, Musil, Schütz et d’autres matériaux

Mise en scène : Jeanne Candel
Direction musicale : Pierre-Antoine Badaroux
Scénographie : Lisa Navarro
Costumes : Pauline Kieffer
Assistant costumes, régie plateau et habillage : Constant Chiassai-Polin
Création et régie lumière : Fabrice Ollivier
Collaboration artistique : Marion Bois et Jan Peters
Régie générale et plateau : Sarah Jacquemot-Fiumani
Régie plateau : Camille Jaffrennou
Habillage : Ninon Le Chevalier

De et avec : Pierre-Antoine Badaroux, Félicie Bazelaire, Stéphanie Padel, Jeanne Candel, Richard Comte, Pauline Huruguen, Pauline Leroy, Hortense Monsaingeon et Thibault Perriard

Production : la vie brève - Théâtre de l’Aquarium

Coproduction : Théâtre National Populaire, Villeurbanne ; Tandem, scène nationale Arras-Douai ; Théâtre Dijon Bourgogne, CDN ; Comédie de Colmar - CDN Grand Est Alsace ; Festival dei Due Mondi, Spoleto (Italie) ; NEST Théâtre - CDN de Thionville - Grand Est ; Théâtre Garonne, scène européenne – Toulouse.

Construction du décor aux ateliers de la MC93 - Bobigny en collaboration avec la vie brève - Théâtre de l’Aquarium ; réalisation des costumes aux ateliers du Théâtre National de Strasbourg, avec des costumes prêtés par le Festival dei Due Mondi, Spoleto (Italie)

Avec l'aide à la création du ministère de la Culture, le soutien du Centre National de la Musique, de la SPEDIDAM, de la Ville de Paris, du Théâtre National de Strasbourg et de l’ONDA – Office national de diffusion artistique pour la création de l’audiodescription du spectacle. Avec la participation artistique du Jeune théâtre national

Remerciements : Théâtre du Soleil, Jean-Jacques Lemêtre et Marie-Jasmine Cocito, Adrien Béal, Jean-Brice Candel et Léo-Antonin Lutinier

La presse

« Un songe d’une beauté éruptive où s’exposent les illuminations de l’artiste sur l’amour, sa fin et son regain. » Joëlle Gayot, Le Monde

« Jeanne Candel va du côté du symbole, de l’inconscient. La troupe où la voix, le corps et le son ne sont qu’une avancée vers un monde dont il est possible de s’évader par le haut. Pierre-Antoine Badaroux, Félicie Bazelaire, Perrine Bourel, Jeanne Candel, Richard Conte, Pauline Huruguen, Pauline Leroy, Hortense Monsaingeon et Thibault Perriard nous embarquent dans un ailleurs allégorique qui efface le drame, qui le sublime. » Amélie Blaustein-Niddam, Cult.news

« Habitée par le deuil, le rêve et la mélancolie, traversée par la poétique des espaces, Jeanne Candel développe un univers d’humeur vagabonde, habité de fantômes, absolument ancré dans le présent et dont les origines semblent remonter à très loin. » Maïa Bouteillet, Artcena

« C’est comme dans la vie : on pleure et puis on rit. Y circule un lâcher prise qui ne manque pas d’allure. » Jean-Pierre Thibaudat, Mediapart

« Baùbo est une traversée musicale et théâtrale de nos extrémités sentimentales, des états limites dans lesquels nous jette la passion sous toute ses formes. Un remue-ménage flamboyant. » Marie Plantin, sceneweb.fr

« Il est de ces pièces dont semble jaillir un torrent qui dépasse toutes les forces impliquées, une logique propre fuyant vers un ailleurs jamais connu d’avance. Baùbo est sans conteste l’une de ces œuvres-là, tant sa progression inouïe paraît se générer elle-même dans un monstrueux mouvement de croissance. » Samuel Gleyze-Esteban, L'Œil d'Olivier

« Baùbo est un vaste chantier scénique. Le désir de jouer, de chanter et de faire le pitre y rayonne avec éclat au gré d’une liberté foudroyante. » Emmanuelle Bouchez – Télérama

« Figure héritée de la mythologie antique, dont le principal fait d'arme reste d'avoir tiré Déméter de sa douloureuse torpeur en lui montrant son sexe, la Baùbo de Jeanne Candel n'a rien perdu de sa vitalité rebelle. » Agnès Dopff – Mouvement.net

« Un spectacle jubilatoire et malicieux, vif et somptueux, qui entête le public de l'art allègre de jouer. » Véronique Hotte - Hottellotheatre.com

≈ Jeanne Candel invitée sur France Culture dans l’émission Tous en scène d'Aurélie Charon et dans l’émission Par les temps qui courent de Marie Richeux

Biographies

Jeanne Candel
Après des études de lettres modernes, elle entre au CNSAD où elle travaille, entre autres, avec Andrzej Seweryn, Joël Jouanneau, Muriel Mayette et Arpàd Schilling. De 2006 à 2011, elle travaille régulièrement avec Arpàd Schilling en Hongrie et en France dans différents laboratoires. C’est dans cet esprit de recherche qu’elle crée en 2009 la compagnie la vie brève. Elle met en scène : Robert Plankett (Artdanthé, 2010) ; Le Crocodile trompeur / Didon et Énée, co-mis en scène avec Samuel Achache, d’après l’opéra de Henry Purcell et d’autres matériaux (Théâtre des Bouffes du Nord, 2013) ; Le Goût du faux et autres chansons (Festival d’Automne, 2014) ; Orfeo / Je suis mort en Arcadie, co-mis en scène avec Samuel Achache, d’après Monteverdi (Comédie de Valence, 2017) ; Demi-Véronique, ballet théâtral d’après la Cinquième symphonie de Gustav Mahler co-créé et joué avec Caroline Darchen et Lionel Dray (Comédie de Valence, 2018) ; Tarquin, drame lyrique composé par Florent Hubert sur un livret de Aram Kebabdjian (Nouveau théâtre de Montreuil - CDN, 2019).

En 2016, elle est invitée à mettre en scène Brùndibar de Hans Krasa à l’Opéra de Lyon. En pleine crise sanitaire, elle met en scène Hippolyte et Aricie de Jean-Philippe Rameau, sous la direction musicale de Raphaël Pichon avec l’ensemble Pygmalion (Opéra Comique, novembre 2020) ; Le Viol de Lucrèce de Benjamin Britten, sous la direction de Léo Warynski (Opéra de Paris / Théâtre des Bouffes du Nord, mai 2021). Elle crée en avril 2022 La nuit sera blanche d’après La Douce de Fédor Dostoïevski dirigée par Lionel González, au Théâtre Gérard Philipe – Saint-Denis et collabore au spectacle de Thomas Quillardet, En Addicto, créé au Théâtre La Piscine à Châtenay-Malabry dans le cadre du Festival d’Automne à Paris (2023) ; ces deux spectacles seront présentés dans BRUIT 23/24.

Elle travaille des créations in situ, dont le moteur de création repose sur le fait d’extirper des récits, des histoires inconscientes à partir de lieux préexistants : Nous brûlons (Villeréal, 2010) ; Some kind of monster (Villeréal, 2012) ; Dieu et sa maman créée et jouée avec Lionel Dray (festival Ambivalences, mai 2015) ; TRAP (Comédie de Valence, 2017) ; BAÙBO – de l’art de n’être pas mort créée le 30 janvier 2023 au Tandem - Scène nationale Arras-Douai - Théâtre d’Arras et présenté au Festival BRUIT, en février de la même année.

Depuis 2019, elle co-dirige avec Marion Bois et Élaine Méric le Théâtre de l’Aquarium, lieu de création dédié au théâtre et à la musique.

Pierre-Antoine Badaroux
Sur scène, Pierre-Antoine Badaroux est saxophoniste. En dehors de la scène, il compose, arrange, recherche, reconstruit ou déconstruit sa musique ou celle des autres.

Membre du collectif Umlaut, il est impliqué dans la production, la diffusion, vivante ou enregistrée de diverses musiques : jazz, improvisation ou composition contemporaine et musique expérimentale. En tant que directeur artistique du Umlaut Big Band, il approfondit par la pratique une réflexion sur l’histoire de jazz, sa relecture et le travail des arrangeurs. Ses travaux sur Don Redman et Mary Lou Williams ont permis la découverte et l’enregistrement de nombreuses œuvres inédites.

Il enseigne le jazz au conservatoire de Montreuil. Il est aujourd’hui membre du quartet Peeping Tom (Axel Dörner, Joël Grip et Antonin Gerbal), de Jupiter Terminus (Jean-Luc Guionnet et Antonin Gerbal), de Protocluster (Bertrand Denzler, Benjamin Dousteyssier, Antonin Gerbal). Il a co-dirigé avec Sébastien Beliah l’Ensemble Hodos, dédié à l’interprétation d’œuvres ouvertes. Ils ont notamment collaboré avec les compositeurs Philip Corner, Jean-Luc Guionnet, Bertrand Denzler, Peter Ablinger et Hannes Lingens. Il a créé avec l’ONCEIM des pièces d’Éliane Radigue, Peter Ablinger ou John Tilbury. Depuis 2015, il est co-organisateur des Jazz Series, série de concerts qui puise dans le répertoire souvent oublié du jazz.

À ce jour, Pierre-Antoine Badaroux a enregistré plus d’une vingtaine de références discographiques.

Entretien avec Jeanne Candel

Baùbo parle de la Passion avec un grand P, celle du Christ, mais aussi des passions au sens que la philosophie a donné à ce mot, de la tristesse la plus profonde à la joie la plus frénétique. Comment avez-vous choisi d’aborder cette double question ?

≈ Ce spectacle est une rêverie autour de la Passion, aux deux sens du terme, majuscule et minuscule. C’est une manière pour moi de revenir sur l’inconscient mélangé, et parfois contradictoire, de notre héritage : chrétien et grec, juif et romain, européen et proche-oriental. C’est, toute proportion gardée, ce que nous mettons au travail dans Baùbo. Je viens de cette histoire, elle est dans mon corps, dans mon cerveau, dans ma manière d’être. Le spectacle part de là, avant de s’en éloigner puis d’y revenir autrement.

Nous commençons par une histoire et par un corps, celui d’une femme qui vient de vivre une grande passion amoureuse. Elle est en deuil. Elle est dans le charnier de son amour, entourée de ruines et de cendres. On plonge dans son intériorité brisée, éclatée. Elle n’est pas morte mais son amour est mort. Elle survit. Nous commençons par une tragédie. Elle a perdu ce qui était sa raison de vivre mais elle vit encore et nous observons cela, ce lamento sans fin, de l’intérieur, depuis sa subjectivité souffrante. Puis on change de monde. On quitte le récit. Une grande bascule s’opère. Si le spectacle était un tableau, dans la première partie, nous le regardons à distance et voyons ce qu’il représente, le tableau est ce qu’il montre, une image. Dans la seconde partie, nous entrons dans sa matière, toile et pigments. Les passions cèdent la place aux pulsions et le théâtre devient jubilation. Les corps se libèrent et agissent, ils créent et rient. Mais il ne s’agit en vérité que d’une autre perspective sur la même chose, une autre manière de mettre en scène la passion, non plus comme un récit mais comme le jeu pulsionnel que ce récit dissimulait.

C’est cet entre-deux qui m’intéresse, ce moment et cet espace qui s’ouvrent quand on passe d’un monde à l’autre, par exemple du polythéisme antique que la figure de Baùbo représente à ce monothéisme chrétien encore incertain de lui-même et de son Dieu. Un vide se fait qui mettra un certain temps à se remplir. Au cours de ce temps, beaucoup de choses peuvent arriver, le sacré vient se nicher dans des endroits imprévus voire interdits. Notre époque ressemble un peu à cela. Le sacré n’est plus tenu par une loi, une religion ou une Église. Il est désaffecté et disséminé. Il peut par exemple s’incarner dans une passion amoureuse assez forte pour unifier temporairement le monde autour d’elle. Soudain, tout fait sens. On est englouti et en même temps augmenté. Et quand ça prend fin, c’est le monde lui-même qui se défait. J’essaie d’observer ces phénomènes et de les mettre en scène, de les traduire au plateau.

Baùbo est une figure empruntée à la mythologie grecque et plus précisément à l’histoire de la déesse Déméter. Quel rôle joue-t-elle dans le spectacle ?

≈ Baùbo c’est le geste créateur. Le mythe possède plusieurs versions. Dans l’une d’elles, Baùbo est la nourrice de Déméter, dans une autre, elle est une prêtresse d’Éleusis. Déméter pense avoir perdu sa fille pour toujours et dépérit. Sa passion est très humaine et très profonde. Baùbo est celle qui la réveille. Elle soulève sa jupe et lui montre son sexe. Déméter éclate de rire. La pulsion vitale de Baùbo, pulsion archaïque d’une vie qui s’oppose à la mort, fait entrer l’air et la joie dans la gorge de la déesse. C’est l’articulation de ces deux moments que nous travaillons : la passion et le geste créateur, celui qui va chercher du côté des pulsions de vie. Il faut aller jusqu’au bout de la passion mais il faut aussi accomplir l’acte qui permet d’en sortir. Le rire et la farce au milieu de la tragédie. Il y a plusieurs couleurs dans le spectacle, plusieurs émotions qui ensemble forment une étrange polyphonie, de la lamentation à la jubilation.

Ce qui m’intéresse dans la figure de Baùbo est moins l’obscénité de son geste, que nous nous contentons de suggérer, que ce qu’il fabrique. Baùbo met en mouvement ce qui est figé, elle est la syncope et la saillie. Je la prends comme un principe formel, un rythme. Elle est l’accident qui relance le mouvement, l’acte imprévu qui nous fait basculer d’une scène à une autre. Elle est au cœur du travail de composition que j’essaie de mettre en place dans ce spectacle.

Une partie importante de la musique du spectacle est celle du compositeur allemand Heinrich Schütz. Pourquoi ce choix et comment avez-vous travaillé sa musique ?

≈ Mon premier choix était Bach. C’est Pierre-Antoine Badaroux, le compositeur avec qui j’ai travaillé pour ce spectacle, qui m’a convaincue. Schütz est un compositeur singulier, entre les mondes. Il prolonge la polyphonie renaissante mais est influencé par le baroque, il est allemand mais apprend la musique à Venise auprès de compositeurs italiens, il est connu pour trois Passions écrites à la fin de sa vie mais il est aussi l’auteur du premier opéra allemand, malheureusement perdu.

Pour des raisons circonstancielles, le premier laboratoire de travail a été consacré à la musique. C’est donc par elle qu’on a commencé. Cela nous a permis de construire, à partir de l’œuvre de Schütz, essentiellement vocale, des outils musicaux : un son spécifique, qui est devenu celui du spectacle et un ensemble de fragments et de motifs qui a constitué notre matériau sonore. On travaille avec un ensemble instrumental singulier, très peu schützien – violon baroque, saxophone alto, guitare, batterie et contrebasse. Et la voix de Pauline Leroy, mezzo-soprano, très présente. On a trouvé, en arrangeant la musique de Schütz qui oscille entre polyphonie renaissante et récitatif baroque, une texture que je trouve très intéressante, à la fois fine, tactile, proche de la peau et orchestrale, puissante, pleine de déflagrations. Le travail est double : on se réapproprie la langue de Schütz et on l’analyse, on la dissèque, on la fragmente. C’est un matériau et une matière qu’on manipule et qu’on transforme.

La musique n’accompagne pas, elle est un des éléments dont on dispose pour créer une situation, exprimer un sentiment ou faire avancer l’action, au même titre que la parole ou le mouvement. C’est pourquoi je ne sépare pas le musicien et l’acteur. Tous ceux qui entrent sur le plateau peuvent être l’un et l’autre.

Le sous-titre de Baùbo est « de l’art de n’être pas mort ». Cela peut désigner autant ceux qui ont évité la mort que ceux qui en sont revenus, les fantômes. Le mot vient de l’ancien grec fantasma qui, dans Le Sophiste de Platon, veut dire simulacre. Le fantasme est l’apparence pure, qui ne renvoie à rien d’autre qu’elle-même. Baùbo est plein de ces fantômes-fantasmes mais on y traverse aussi les apparences.

≈ Dans le spectacle, on travaille l’entre-deux du miracle et du mirage. Sur scène, un miracle est toujours aussi un mirage, une apparence, une construction. L’ambivalence n’est jamais levée. Est-ce vrai ? Est-ce illusoire ? C’est au spectateur de décider. Je me suis inspirée de la figure des pleureuses, ces femmes qui pleurent pendant les cérémonies funéraires. C’est un rôle, elles jouent, mais elles font aussi pleurer les autres et l’émotion qu’elles communiquent est authentique.

Ce jeu avec le spectateur est un des fils de Baùbo. Il arrive par exemple que l’on change le pacte tacite qui construit son regard. De regardeur, il devient regardé, celui que l’on provoque, à qui l’on s’adresse, dont on attend une réponse. Cette inversion des regards est très importante. C’est une autre manière d’inclure le spectateur dans le spectacle, d’en faire un acteur de ce qu’il voit et ressent. Sans lui, sans son corps regardant-regardé, l’image scénique n’est pas complète.

Il y a peu de textes dans Baùbo. Quelle est sa place dans votre théâtre ?

≈ C’est un matériau parmi d’autres. Je m’en passe très bien. Dans Demi-Véronique par exemple, un spectacle autour de la Cinquième Symphonie de Mahler, les seuls mots prononcés le sont dans le prologue. Tout le reste est musique, corps, matières et mouvements.

Il y a du texte dans Baùbo, notamment dans le prologue et la première partie mais il y a un moment où il cesse d’être utile. Mon théâtre n’est pas un théâtre de texte mais d’images et de mouvements. Il s’agit de construire des images qui changent, se développent, se transforment, basculent. La mise en en scène est pour moi un travail de composition entre tous les éléments présents sur le plateau : corps, musique, décor, actions… Il s’agit de tresser ensemble les dimensions de la scène : comment ça fait image, s’enchaîne, se monte, où mettre les silences, les suspensions, où accélérer et où ralentir. C’est quelque chose d’organique et de sensoriel qu’on construit au plateau avec les matières dont on dispose, nos idées et nos corps. Il y a une physicalité de la forme à laquelle je tiens beaucoup et qui suppose tout un artisanat.

Votre travail d’écriture se fait au plateau. Baùbo ne fait pas exception. Comment décririez-vous ce moment où le spectacle, progressivement, prend forme ?

≈ Le travail est collectif. Il passe par des laboratoires comme celui où l’on a construit nos outils musicaux. Puis il se poursuit au plateau avec les acteurs, les musiciens et des éléments de costume et de scénographie. C’est un temps qui est proche de celui du rêve. À la fois parce qu’on rêve ensemble de mondes, de mouvements et d’espaces mais aussi parce que notre manière de travailler ressemble beaucoup à ce que Freud appelle le travail du rêve. On fusionne, on déplace, on figure, on assemble, on crée des percées et des échos, etc. Le spectacle s’écrit ainsi, dans un va-et-vient entre l’abstrait et le concret. On est au plateau, au milieu des choses, des sons et des corps mais, en même temps, on est pris par des idées, des références, des associations de pensées, on laisse d’une certaine manière nos inconscients parler et agir. Tout ce qui passe entre dans le jeu est absorbé et transformé.

Comme pour Demi-Véronique, vous êtes sur scène. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?

≈ C’est un exercice difficile d’être en même temps dehors et dedans, de jouer et d’observer. Mais, pour ce spectacle, il fallait que je sois sur le plateau. Pour que le geste soit concret, il devait aussi venir de moi, de mon corps.

Propos recueillis par Bastien Gallet,
décembre 2022

Création et tournée

Création au Tandem scène nationale Arras-Douai - Théâtre d’Arras le 30 janvier 2023
Tournée du 12 au 16 décembre 2023 au Théâtre Dijon Bourgogne - CDN, Dijon ; les 20 et 21 février 2024 au NEST Théâtre - CDN de Thionville ; les 30 et 31 mai 2024 à la Comédie de Colmar ; les 29 et 30 juin 2024 au Festival dei due Mondi, Spoleto (Italie)

Accessibilité et audiodescription

Tous nos spectacles sont accessibles aux personnes en situation de handicap moteurs : dans nos deux salles, des emplacements spécifiques sont accessibles aux personnes à mobilité réduite.

Pour les personnes malvoyantes ou non voyantes, une séance en audiodescription du spectacle Baùbo - de l'art de n'être pas mort est prévue le dimanche 4 février 2024 à 17h, réalisée par Lucie Béguin (visite tactile préalable proposée à 16h).

Pour toute la programmation, le dispositif « Souffleurs d’images » est disponible sur demande ici. Un souffleur bénévole décrit et souffle à l’oreille du spectateur aveugle ou malvoyant, les éléments qui lui sont invisibles le temps d’un spectacle.

Pour réserver et être accompagné dans votre venue : Bérengère Marchand, chargée de l’accueil des publics et des artistes (berengere@theatredelaquarium.net / 01 43 74 72 74)

Fabrication responsable de la scénographie

Depuis 2019, la vie brève expérimente, en association avec d’autres acteurs, les outils de l’économie circulaire appliqués à la conception de décors. Une ressourcerie, un atelier dédié à la construction scénographique responsable et un pôle de sensibilisation, de recherche-action se déploient au Théâtre de l’Aquarium.

Suivant cet engagement, la scénographie de Baùbo a été conçue et construite de façon à limiter ses impacts environnementaux durant tout son cycle de vie. L’un des objectifs fixés est notamment d’anticiper son retraitement en fin de vie pour que les différents matériaux qui la composent puissent être réemployés et réutilisés en intégrant le stock de la ressourcerie du Théâtre de l’Aquarium. Cette démarche a impliqué l’équipe artistique et technique du spectacle, l’équipe de l’atelier de fabrication responsable du Théâtre de l’Aquarium et l’équipe des ateliers de la MC93 qui ont assuré la construction du décor.

Tarifs

≈ BILLET À L'UNITÉ
22€ la place
15€ demandeurs d’emploi l enseignants l plus de 65 ans
12€ moins de 26 ans l groupes à partir de 6 personnes l personnes en situation de handicap l détenteurs du pass 12e
10€ groupes scolaires du secondaire
13€ comités d’entreprise partenaires de Ticket théâtre(s) - uniquement via le site ticket-theatres.com

≈ PASS 2 ÉVÉNEMENTS ET + (hors tarif unique)
Pour une même soirée ou pour plusieurs rendez-vous distincts
Le PASS 2 événements tarif plein : 37€ et vos prochaines places à 15€
Le PASS 2 événements tarif réduit : 27€ et vos prochaines places à 12€
Les offres PASS sont individuelles et ne sont pas applicables à la répétition publique de Requiem Solaire

≈ BILLET SUSPENDU
Le billet suspendu à 12€ est un geste solidaire qui vise à offrir un billet à un inconnu. Le Théâtre de l'Aquarium s’engage à offrir cette place ou ces places de spectacle à l'un de ses partenaires du champ social.

Séances et réservations

Vendredi 2 février à 20h30
Samedi 3 février à 20h30
Dimanche 4 février à 17h
Jeudi 8 février à 20h30
Vendredi 9 février à 20h30
Samedi 10 février à 20h30
© Jean-Louis Fernandez
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